Les "harat" d’Egypte, vivant témoin d’un passé riche !‬

Hanaa Khachaba Nevine Ahmed Dimanche 10 Mars 2019-13:01:21 Dossier
Haret Bergwan
Haret Bergwan

L'Egypte possède d'innombrables "harat" (venelles),  qui portent des noms de personnages historiques ou d'un certain artisanat ou métier. Autant de noms autant de harat, qui relatent la vie agitée des Egyptiens au temps des Mamelouks et des Fatimides, et à travers les époques successives.

 

Des ânes tirent des charrettes d'oignons ou de briques, une ribambelle d'enfants jouent avec des moutons,  des ateliers débordent sur les trottoirs, le temps semble s'être arrêté dans ces harat, ou vieilles venelles inextricables du Vieux Caire.

Ces ruelles et venelles se trouvent généralement dans les quartiers populaires, archaïques mais vivaces. Elles alignent en enfilade de splendides édifices médiévaux et de vétustes maisons collées les unes aux autres, témoignant de la riche histoire de l'endroit, de ses habitants et de ses visiteurs. Les péripéties des grands classiques de la littérature arabe, comme de nombreux romans du Nobel de littérature Naguib Mahfouz, se déroulent souvent dans ces quartiers populaires d’où émane une certaine chaleur et tendresse indescriptibles. Ses héros habitent souvent une de ces ruelles, petite et étroite, bruyante mais toujours si attachante qu’on a envie de s’y rendre. Ces vieilles ruelles se ramifient d'une rue principale, large et assourdissante.

Quand les Fatimides arrivèrent en Egypte en 969, leur commandant Gohar le Sicilien encercla Le Caire d’une immense enceinte pour protéger la ville. Des tribus égyptiennes accompagnèrent l’armée fatimide et choisirent  un espace pour y camper. Cet endroit s’est transformé en hara (singulier de harat) où s’installèrent des effectifs de l’armée. A l’arrivée du calife Al-Muezz Lidine Allah, ces venelles existaient donc déjà et continuèrent à braver le temps, enregistrant dans les annales de l’Histoire les événements successifs.

Plusieurs des venelles égyptiennes ont gardé leur ancienne appellation, alors que d’autres en ont reçu des nouvelles. Dans ce dossier, Le Progrès Egyptien vous accompagne dans une promenade‫ passionnante dans quelques harat pour vous les faire découvrir en remontant un peu dans le temps, celui de leur construction … peut-être !

On cite parmi les harat les plus célèbres : harat Al-Roum (des Roumains), harat Bergwan, harat Al-Joudariya, harat Al-Yahoud (des Juifs), Harat Al-Dilem, harat Al-Batélia, harat Al-Kafouri, harat Al-Waziria (du vizir).

 

Harat Al-Yahoud

Cette ruelle, dite des Juifs, est située dans le quartier de Gamaliya, au Vieux Caire. Elle abritait la majorité des Juifs installés au Caire, quelques Musulmans et Chrétiens également. Dans cette hara, se trouvaient treize synagogues dont seulement trois subsistent encore. Bien que cette venelle ait regroupé des Juifs à travers les temps, ceux-ci n’étaient pas forcés à s’y confiner à l’image d’un ghetto. Cette hara se trouve à la croisée entre Le Caire islamique et Le Caire khédival.

Ses habitants juifs travaillaient dans l’orfèvrerie. Les femmes, elles, couturières, se sont fait une très bonne réputation auprès des jeunes femmes de l’aristocratie qui vinrent spécialement chez elle pour confectionner de jolies robes à la mode. Elles fabriquaient également des confitures et des parfums. De nos jours, ce qui reste encore de harat Al-Yahoud, en plus de son nom, sont les artisans qui y débordent encore comme les orfèvres, les cordonniers, les menuisiers...

 

Harat Bergwan

Elle se trouve aussi dans le quartier de Gamaliya, ramifiée de la rue Al-Moez. Soliman Pacha Al Silihdar la fit construire sous Mohamed Ali Pacha, en 1255 de l’Hégire. D’où lui attribue-t-on ce nom de Bergwan ?

Elle tire son appellation d’Aboul Fotouh Bergwan, le serviteur du calife Al-Alziz Billah, chargé alors d’entretenir ses palais. Bergwan gravit les échelons jusqu’à jouir sous le calife Al-Hakim Bi Amrillah, d’une très vaste autorité, ayant amené le calife à se débarrasser de lui en le tuant.

 

Harat Kenissat Al-Armane (Eglise des Arméniens)

Son nom est clair. Cette ruelle, située à Darb Al-Gunéna, porte le nom de la première église construite par les Arméniens en 1839 ap. J.-C. Plusieurs célébrités égyptiennes et arabes ont habité cette hara comme Libléba, Fayrouz et Naguib Al-Rihani. Les Arméniens s’y concentraient mais avec le temps, la fameuse ruelle arménienne a perdu de son charme et mérite une attention particulière afin de retrouver son éclat.

 

Harat Al-Roum (des Roumains)

Elle est la cinquième ruelle à gauche, tout près du sébil Mohamed Ali. En se promenant dans l’endroit, on est vite emparé de la sensation de voyager dans le temps. Au beau milieu du Caire fatimide, avec ses immenses édifices et son odeur d’un passé glorieux et lointain. La ruelle est envahie de vendeurs et de marchandise hétérogènes : des vêtements, des aliments…etc. Quand on interroge un des passants pourquoi on attribue cette hara aux Roumains, la réponse vient souvent la même « on n’en sait  rien ! ». L’historien Mohamed Rifaat Al-Imam raconte que les Roumains se sont installés dans cette vieille ruelle, qui depuis lors portait leur nom. Bien qu’elle se situe au cœur du Caire fatimide, au milieu du brouhaha des commerçants et de ses visiteurs, elle demeure un endroit dépaysant, calme et serein. Là, se trouve le monastère du prince Tadros.

en relation